Et si ton prof avait un double IA ?

 

Ce qui change déjà dans l’école, ce qui arrive demain…
et pourquoi il vaut mieux y réfléchir maintenant.

 

Ce que l’intelligence artificielle change déjà dans les métiers

Depuis l’arrivée des IA génératives comme ChatGPT en 2022, on ne compte plus les tâches qui ont été automatisées en quelques mois : résumer un texte, corriger un devoir, générer des quiz ou produire des supports visuels. Cette évolution n’est pas future : elle est déjà là, dans les écoles, universités, formations pro.

Olivier Lamirault, directeur Innovation et EdTech à l’EM Normandie, le dit sans détour : « Ce que nous vivons ne sont que les prémices d’un grand bouleversement. »

Ce qui impressionne n’est pas seulement la rapidité des progrès, mais leur régularité. Chaque mois, de nouvelles capacités apparaissent, et les métiers de l’éducation – enseignants, formateurs, ingénieurs pédagogiques – doivent faire face à un défi inhabituel : réinventer leur rôle en restant utiles, justes, créatifs, inspirants.

Imaginer 2030 sans fantasme ni panique

Et si l’on se projetait ? En 2030, il est probable que des robots humanoïdes comme Optimus ou Astribot (nourris à l’IA américaine ou chinoise) soient utilisés dans certains environnements éducatifs. Ils seront capables d’assister un enseignant, de coordonner un apprentissage, voire d’évaluer un devoir oral ou un projet vidéo.

Ce n’est pas de la science-fiction hollywoodienne. C’est déjà en test dans certains centres de formation technique, en Asie et en Amérique du Nord.

Sommes-nous prêts ? Non. Et c’est justement pour ça qu’il faut en parler dès maintenant, dans les collèges et les lycées.

Comprendre la singularité : un moment clé

Le mot peut sembler un peu flou, mais la singularité technologique est un concept qui existe depuis les années 1950. John von Neumann l’a évoqué le premier. Plus récemment, Ray Kurzweil annonce qu’elle arrivera autour de 2029. La singularité, c’est le moment où l’intelligence artificielle devient capable de s’améliorer elle-même, sans l’aide des humains. On ne parle pas d’un super-cerveau méchant. On parle de machines qui deviennent autonomes dans leur apprentissage et dans l’analyse du monde.
Si ce tournant se produit, alors tous les métiers devront s’adapter, et ceux de l’éducation en premier, car ils transmettent des savoirs, des outils, des méthodes de pensée.

L’enseignant et l’avatar : vers un binôme 24h/24

Dans ce monde qui arrive, les rôles vont changer. De plus en plus, l’élève pourra dialoguer avec un avatar de son professeur, connecté à un système d’IA, qui répondra à ses questions à toute heure du jour ou de la nuit. Une sorte de prolongement numérique de la relation pédagogique. L’humain restera présent. Il restera nécessaire, même. Mais il sera accompagné d’un assistant virtuel disponible en continu. Ce duo pourra adapter les exercices, corriger en temps réel, proposer des vidéos ou jeux sérieux adaptés à la progression de l’élève. Le défi, ce n’est pas de lutter contre ce changement. C’est de l’accompagner intelligemment, avec des valeurs éducatives fortes.

Ce que les IA font déjà : automatisation et différenciation

Ce que les enseignants ont toujours rêvé de faire, les IA savent déjà en partie le faire :

  • proposer des parcours individualisés selon les besoins de chaque élève,

  • corriger automatiquement des textes avec des commentaires sur le fond et la forme,

  • générer des vidéos de cours, des podcasts, des cas pratiques,

  • suivre les progrès en temps réel et ajuster les niveaux de difficulté.

Tous ces outils existent. Ils sont utilisés dans certaines universités, grandes écoles, mais aussi dans des plateformes éducatives ouvertes, comme Evalir.net, qui propose une approche immersive et critique de l’IA dès le collège.

Réfléchir à la place de l’humain dans l’apprentissage

La question centrale n’est pas “L’IA va-t-elle remplacer les profs ?”, mais plutôt : “Que va-t-on faire du temps libéré par les tâches automatisées ?”.

Préparer un cours, corriger, produire des fiches, surveiller des copies… tout cela prend du temps. Si l’IA le fait, alors le professeur peut se recentrer sur la relation humaine, l’écoute, l’aide au sens, la curiosité partagée.

Mais cela suppose de revoir en profondeur :

  • la posture de l’enseignant,

  • les missions des métiers supports (CPE, ingénieurs pédagogiques…),

  • et même le rôle de l’élève.

Des métiers éducatifs à repenser, pas à supprimer

Ce que montre bien Olivier Lamirault, c’est que l’IA ne fait pas “disparaître” les métiers de l’éducation. Elle les transforme. Il ne s’agit plus de transmettre uniquement un savoir, mais de :

  • guider dans l’usage de l’IA elle-même,

  • apprendre à questionner les réponses générées,

  • co-construire du contenu avec les machines.

Les jeunes devront savoir écrire un prompt, comprendre les limites d’un résumé automatique, évaluer un contenu généré. Autrement dit, être actifs, pas passifs face à ces outils.

C’est ici que la pédagogie doit évoluer.

Des étudiants plus libres… ou plus seuls ?

Avec l’IA, les étudiants peuvent apprendre à leur rythme, choisir leurs supports, poser leurs questions 24h/24 à un assistant numérique. C’est une chance pour ceux qui ont besoin de flexibilité ou qui se sentent à l’étroit dans une salle de classe classique.

Mais cette liberté peut aussi être un piège. Sans accompagnement humain, sans cadre bienveillant, sans groupe, on apprend moins bien.

C’est pourquoi les binômes humain/machine doivent être pensés comme des équilibres vivants, pas comme des solutions toutes faites.

Que peuvent faire les établissements aujourd’hui ?

Même sans robot dans les couloirs ni budget IA de Google, une école ou un collège peut déjà :

  • proposer des séances sur l’usage critique de l’IA (comme Evalir le fait),

  • former les enseignants à tester les outils IA en classe,

  • impliquer les élèves dans des projets créatifs avec IA : écriture, BD, jeux de rôle, simulations,

  • développer des parcours de découverte des métiers en lien avec ces transformations.

L’enjeu est de faire comprendre sans dramatiser, de former sans figer, d’encourager l’inventivité plutôt que la conformité.

Une éducation augmentée, pas automatisée

L’IA n’est pas là pour remplacer ce qui fait la richesse de l’éducation : la rencontre, la surprise, le tâtonnement, la relation humaine.

Mais elle peut augmenter certaines capacités : organisation, adaptation, diversité des supports.

Ce que nous devons inventer ensemble, jeunes et moins jeunes, c’est une éducation augmentée qui reste profondément humaine, ouverte, joyeuse et exigeante.


Sources

  • Olivier Lamirault, EM Normandie, extrait publié par la CGE : Le temps des ruptures

  • Ray Kurzweil, The Singularity is Nearer: When We Merge with AI, Viking Press, 2024

  • Plateforme Evalir.net

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